dimanche 10 janvier 2010

Statue



Deux statues staliniennes se reposent depuis ma nuit des temps dans le jardin de la Gare. J'y ai connu mes premiers jeux sensuels d'enfant sur leurs formes librement offertes à mon innocente concupiscence. Curieusement elles m'évoquent Verlaine dont les vers sont restés pour moi insaisissables et que j'aime pour leur mystère.

Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D’une femme inconnue, et que j’aime, et qui m’aime,
Et qui n’est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m’aime et me comprend.

Car elle me comprend, et mon cœur, transparent
Pour elle seule, hélas ! cesse d’être un problème
Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,
Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.

Est-elle brune, blonde ou rousse ? — Je l’ignore.
Son nom ? Je me souviens qu’il est doux et sonore
Comme ceux des aimés que la Vie exila.

Son regard est pareil au regard des statues,
Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a
L’inflexion des voix chères qui se sont tues.

4 commentaires:

Tania a dit…

Ce beau rêve de Verlaine reste en mémoire, c'est vrai, avec ces sonorités et ces rythmes qui rendent sa voix si particulière.

colo a dit…

J'aime tant ce poème que j'ai essayé de l'apprendre à mes enfants. Ils parlent le français, mais leur première langue est l'español. Je crois que c'est la musicalité qui a fait qu'ils s'en souviennent bien encore maintenant. Merci, ça m'a fait plaisir de le relire, statue sous les yeux, sous la neige!

Racine a dit…

Merci les amies pour vos commentaires. Ce poème est une merveille et je suis heureuse de voir que vous l'appréciez aussi. Nous devrions de temps en temps faire passer un poème que nous aimons, ce serait un grand plaisir de lire ceux que vous aimez. Chère Colo je suis ravie de voir que vous avez réussi à transmettre la musicalité de ce texte à vos enfants, ce sont eux qui les transmettront et que le souffle de la magie des mots s'éternise de génération en génération donne foi en l'humanité. Je crois que nous nous souvenons le mieux des poèmes appris dans l'enfance.
A bientôt sur vos blogs.

Anonyme a dit…

oui, c'est sublime, merci...